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Depuis fort longtemps, Rolande Trempé,
ancienne résistante et professeur d’histoire contemporaine
à l’Université de Toulouse, est frappée
par le manque de reconnaissance de la Résistance des femmes.
Qu’il s’agisse de commémorations officielles
auxquelles elle est conviée comme ancienne résistante,
ou des colloques d’historiens auxquels elle participe pour
raisons professionnelles, l’action des femmes est toujours
minorée, sous-estimée, leur action ravalée
à un «rôle auxiliaire», toujours subordonnée
à la direction masculine de tel ou tel groupe...

Rita Thalmann, historienne, s’émut,
comme Rolande Trempé, de cette situation, lors du colloque
consacré en 1992, à Besançon, au rôle
des étrangers dans la Résistance. Elle souhaite alors,
elle aussi, que l’on rende justice à celles qui dirent
«non» à la collaboration, à l’attentisme,
et «oui» à l’engagement militant pour reconquérir
les libertés et la dignité perdues, même au
péril de leur vie.
Certes, bien des femmes ont défilé à la Libération
aux côtés des FFI, tant à Toulouse que Nîmes
ou Lyon, mais, néanmoins, leur rôle reconnu reste second.
La publication et la lecture de deux ouvrages conforte
les intentions de Rolande Trempé :
« Les oubliées de l’histoire »,
selon l’expression d’Albert Oriol-Maloire (terme utilisé
déjà par Rita Thalmann), auteur d’un livre écrit
en leur mémoire, Les Femmes en guerre (1995) et,
surtout, Chemins de dames dans la résistance bourguignonne,
par Jeanne Gillot-Voisin (1999).
Son désir de réagir contre ces faits
est renforcé par les enquêtes entreprises à
la suite des deux sujets d’études mis au Concours national
de la Résistance et de la Déportation :
- les Femmes dans la Résistance (1996-1997),
- la représentation des actions résistantes et la
commémoration des victimes (1998-1999).
Enfin, historienne de la mine et des mineurs, elle
est conduite à s’étonner de la faible place
reconnue officiellement au rôle des femmes, par cette corporation
qui occupe une place importante dans la Résistance.
C’est ainsi qu’il a faut attendre l’an 2000 pour
que les mineurs du Nord-Pas-de-Calais reconnaissent enfin l’activité
des femmes et des filles de mineurs et le calvaire que certaines
d’entre elles subirent en déportation.
A ce sujet, une ancienne résistante, devenue secrétaire
de la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés
et Internés Résistants et Patriotes) du Nord-Pas-de-Calais,
s’exprima lors de la commémoration des fusillés
du Fort du Vert-Galant à Wambrechies :
« Si dans ce fort du Vert-Galant ne figure aucune femme,
je voudrais rappeler combien leur action fut exemplaire. Car les
femmes sont présentes à l’aube de la Résistance,
quand l’ennemi met la France au pillage dans l’été
40, condamnant à la faim des populations entières,
ce sont les femmes qui revendiquent, manifestent pour exiger plus
de lait, de pain, de nourriture. Elles seront, par centaines, par
milliers, arrêtées, torturées, internées
et même décapitées à la hache comme Emilienne
Mopty… ».
Il était temps de reconnaître enfin
le rôle des femmes. Cela entraîna le syndicat des mineurs
et ses alliés à organiser une série de réunions
commémoratives, au cours de l’année 2001, à
consacrer une journée entière au rôle des femmes
dans les luttes engagées par les mineurs du Nord et du Pas-de-Calais
et à faire une place enfin sur la plaque commémorative
à Emilienne Mopty, exécutée à Cologne,
le 18 janvier 1943.
Pourquoi le rôle et la place des femmes est-il
ainsi minoré, sinon parfois totalement méconnu ? Cela
tient à des causes multiples qu’il n’y a pas
lieu d’examiner ici en détail.
Rappelons toutefois, comme le fit Rita Thalmann, le poids de la
société et de l’opinion française à
cette époque qui définissait et répartissait
«traditionnellement» les rôles sociaux entre les
hommes et les femmes.
Certes, mais il y a aussi des causes plus circonstancielles, ainsi
le discrédit jeté sur les femmes au lendemain de la
Libération par le mouvement pervers et scandaleux des femmes
tondues ; il faut aussi tenir compte d’une conception toute
masculine, car militaire, de la Résistance (1).
Cette conception restrictive (2) va peu à
peu être contestée et la notion de Résistance
s’élargir pour englober tous les aspects du combat
(armé et non armé, civil et militaire) dirigé
contre les Allemands (sur le territoire français et dans
la France d’outremer) pour préparer la défaite
des occupants, ouvrir la voie de la Libération et reconquérir
les libertés perdues.
La place restrictive allouée aux femmes s’est donc
en conséquence peu à peu estompée dans les
cérémonies commémoratives, c’est certain.
Mais la représentation des activités
féminines marque encore un net retard par rapport à
la multiplication des monuments et des lieux de mémoire consacrés
aux hommes.
C’est tout cela qui explique le choix fait aujourd’hui.
Celui de mettre en oeuvre grâce à l’étude
des monuments, des sculptures ou des peintures qui sont consacrées
à l’action des femmes, la mise en perspective de leur
action dans la Résistance.
Ce projet n’a pas pour intention d’écrire une
histoire de la lutte des femmes, mais simplement, en choisissant
quelques exemples significatifs, d’évoquer la diversité
des formes d’action et l’intensité de l’engagement
des femmes au-delà de la différence des classes, des
professions, des opinions, des nationalités et des clivages
politiques.
(1) Sur les 1.059 Croix de la Libération,
5 ont été remises à des villes ou communes,
18 à des unités militaires, 1.036 à des personnes
physiques, parmi lesquelles 6 femmes : Laure Diebold, Bertie Albrecht,
Emilienne Evrard, Maria Hackin, Marcelle Henri, Simone Michel-Lévy.
(2) Les femmes ne sont que 10% parmi les médaillés
de la Résistance et la même proportion parmi les Combattants
volontaires de la Résistance (source : Sylvie Chaperon, «
Les Récompenses des résistantes », in 1939 –1945
: combats de femmes, Françaises et Allemandes, les oubliées
de la guerre, Ed. Autrement, septembre 2001 ».
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